Catégories
Analyse économique et sociale

Projections démographiques mondiales : des incertitudes, mais l’Afrique reste l’arbitre du jeu

Projections démographiques mondiales : des incertitudes, mais l’Afrique reste l’arbitre du jeu

 

Les travaux récents de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) apportent de nouveaux éclairages sur les projections démographiques mondiales. A l’horizon de 2050, les dernières tendances sont logiquement inchangées puisque presque tous les mouvements -hors migrations- qui se manifesteront jusque-là sont déjà modélisables. Après cette date, les scénarii sont plus incertains. Toutefois, sur chaque période, l’Afrique verra sa place grandir fortement et sa situation sera déterminante pour connaitre le chemin le plus plausible pour le futur.

Sans surprise, la population mondiale, à 7,8 milliards de personnes en 2021, va continuer à augmenter et devrait être, selon l’hypothèse la plus probable, aux environs de 9, 8 milliards, en 2050. En revanche, la décélération de cette croissance, entamée depuis une cinquantaine d’années, constitue l’aspect le plus remarquable des dernières projections. La hausse annuelle du nombre d’habitants de la planète est en effet passée de 2,1% en 1970 à quelque 1% aujourd’hui et pourrait encore être ramenée à 0,5% en 2050.

L’inflexion est surtout due à l’effet sur le taux de fécondité (nombre d’enfants/femme) d’une mutation comportementale majeure à la suite d’un développement économique continu. L’espoir d’amélioration de niveau de vie dans la plupart des régions du monde a amené les familles à revoir à la baisse le nombre d’enfants souhaité. De plus de 6 dans les années 1800, le taux de fécondité moyen a été ramené à 2,4 actuellement et poursuit son recul, entrainant le ralentissement mondial. La non-simultanéité du développement économique dans les diverses parties du monde a provoqué des décalages chronologiques dans ce repli et donc des changements dans le poids relatif de chaque continent. La « vieille Europe » ne pèse plus désormais que 9,5% de la population du monde alors que l’Asie en comprend 59,4%.

Plus nombreuse, l’humanité sera aussi, comme prévu, plus vieille et plus citadine. Dans la pyramide des âges, une personne sur quatre aura en 2050 plus de 65 ans en Europe et en Amérique du Nord, et cette catégorie pèsera alors plus de la moitié des actifs (classe des 20 à 65 ans) dans cette zone. Le même phénomène s’observe avec retard en Asie où le « dividende démographique » a cessé de jouer. La Chine, dont la population commencera à baisser en 2030, en est l’exemple le plus frappant, qui montre la difficulté d’inverser des comportements devenus naturels. La politique de l’enfant unique et la priorité donnée maintenant par beaucoup de ménages à l’amélioration de leur niveau de vie ont réduit le nombre d’enfants à moins de 2 par couple et les mesures récentes pour encourager la natalité ne parviennent pas à inverser la tendance. Enfin, l’urbanisation accrue demeure un phénomène mondial, même si des décalages nationaux sont constatés, et est souvent concomitante à une réduction des taux de fécondité.

Dans cette évolution générale, l’Afrique, en particulier subsaharienne, gardera sur les 30 ans à venir ses multiples originalités. Sa population doublera sur la période et 60% des deux milliards d’habitants supplémentaires viendront d’Afrique. 50% d’entre eux seront issus de 5 pays : Nigéria, République Démocratique du Congo, Ethiopie, Egypte et Tanzanie. Le Nigéria sera bien en 2050, sauf accident majeur, la troisième nation la plus peuplée du monde avec 400 millions d’habitants. Cette poussée va avoir lieu car l’Afrique subsaharienne reste un « bloc » aux caractéristiques spécifiques. Même si les indicateurs progressent comme ailleurs dans le sens des nouveaux Objectifs du Développement, ils évoluent moins vite et sont éloignés des moyennes mondiales : 4,6 enfants par femme; mortalité infantile de 4,3%, 60% au-dessus de la moyenne générale; espérance de vie de 63,8 ans, inférieure de plus de 10 ans au reste du monde.

Il est difficile de ne pas relier au moins en partie ces handicaps de la zone subsaharienne au niveau élevé de pauvreté qui y persiste. Dans la région, le taux de pauvreté absolue (1,9 USD/jour de revenu) touche plus de 40% de la population, contre moins de 10% ailleurs, et ne décline que doucement. De plus, depuis 2016, le taux d’accroissement annuel du Produit Intérieur Brut (PIB) a été inférieur à 3%, dépassant à peine celui de la population proche de 2,6%. Ces facteurs, renforcés par la faiblesse des actions nationales de redistribution des richesses, ne favorisent pas la baisse du taux de fécondité observée ailleurs. On pourrait ajouter les freins au changement créés par une croissance plus lente des villes, où les Etats peinent à réaliser les infrastructures économiques et sociales, mais aussi par un dénuement croissant des campagnes, en termes de conditions de vie, d’emplois nouveaux ou d’équipements collectifs.

Il existe certes des différences régionales dans cet immense espace. L’Afrique orientale connait les taux de natalité les plus élevés, mais montre la réduction la plus rapide des taux de fécondité, sans doute en lien avec une croissance économique soutenue et des politiques de maîtrise démographique plus efficaces. L’Afrique occidentale enregistre toujours les nombres d’enfants par femme les plus élevés (jusqu’à 6,6 au Niger), probablement sous l’influence de traditions sociales et religieuses plus prégnantes, mais les belles performances économiques réalisées depuis plus de dix ans -près du double de la moyenne subsaharienne – conduisent à une baisse générale de ce critère, surtout marquée dans les pays les plus avancés au plan économique-Ghana, Côte d’Ivoire, Sénégal -. L’Afrique Centrale, frappée à la fois par une croissance économique plus modeste, un manque de réformes structurelles et certains conflits, est en tête pour les taux de fécondité et la hausse de sa population. Aucun de ces écarts ne remet cependant en question la profonde spécificité de la situation africaine.

Au-delà du milieu de ce siècle, les projections de population prennent désormais un tour nouveau. Certes, un scénario « haut » prévoit encore la prolongation des fortes augmentations antérieures, et une population mondiale approchant 16 milliards en 2100. Mais l’hypothèse principale retient l’accentuation de la décélération récente et un total inférieur à 11 milliards d’individus en fin du siècle. Un scénario « bas », prévoyant une diminution de la population à l’horizon 2100, compte en revanche de nouveaux partisans : la revue « The Lancet » vient de publier sa projection à 8,8 milliards d’habitants et l’ONU retient même quelque 7,5 milliards pour cette hypothèse. Les tendances centrale et basse sont fondées principalement sur la prolongation d’une baisse universelle des taux de fécondité, et surtout en Afrique, et diffèrent seulement sur l’intensité de celle-ci. Ces « trends » distincts s’accordent cependant sur d’importantes tendances globales : la population va partout vieillir de plus en plus vite, le poids relatif des personnes actives va encore décroitre et le nombre de personnes âgées pèsera de plus en plus sur les systèmes de protection et les dépenses publiques.

Dans le scénario le plus probable, les évolutions nationales oscilleraient entre deux extrêmes. Certains pays, affectés désormais d’un taux de fécondité inférieur à 2, verront leur population diminuer en valeur absolue. 26 nations sont déjà dans ce cas de figure en 2021 et 55 pourraient l’être dès 2050. Le Japon, la Russie et beaucoup de pays d’Europe de l’Ouest relèvent de cette catégorie mais l’exemple le plus frappant sera celui de la Chine : elle devrait être dépassée par l’Inde avant 2030 pour le « titre » de la nation la plus peuplée, et voir sa population baisser de 2% dans les 30 prochaines années puis de 24% entre 2050 et 2100.  A contrario, quelques pays asiatiques (Pakistan, Indonésie par exemple) et, surtout, l’Afrique subsaharienne   connaitraient une croissance démographique encore soutenue. Dans les révisions de poids relatif qu’elle provoque, cette hétérogénéité va de nouveau placer l’Afrique subsaharienne au premier plan.

La population du continent s’élèverait en effet de 2,5 à 4,3 milliards entre 2050 et 2100, l’Afrique subsaharienne composant à cette dernière date plus de 85% du surcroit mondial d’habitants sur la période. Près de deux humains sur 5 seraient donc africains en 2100 contre 1 sur 4 en 2050 et 1 sur 6 à ce jour. Dans ce total, les progressions nationales pourraient être très hétérogènes. Les cinq pays les plus peuplés tiendraient toujours une place essentielle mais avec des différences très marquées : l’augmentation de la population sur le demi-siècle pourrait être deux fois plus rapide en RDC qu’en Ethiopie. Le Niger serait alors plus peuplé que la France, et Kinshasa détrônerait de peu Lagos comme mégalopole la plus importante d’Afrique. La population du continent resterait la plus jeune du monde, mais la place des moins de 15 ans serait en déclin de même que le poids des actifs dans l’ensemble, signalant la fin d’un « dividende démographique » jusqu’ici peu exploité.

Violents par leur ampleur, tous ces chiffres s’appuient sur une hypothèse comportementale volontariste : un taux de fécondité en zone subsaharienne rapidement réduit, qui approcherait en moyenne 3,5 en 2050 et descendrait entre 2 et 2,3 en 2100, permettant alors tout juste le renouvellement des générations. Au vu des constats opérés dans le reste du monde, ce résultat suppose en Afrique subsaharienne la concrétisation de deux mouvements. Le premier est une nouvelle accélération de la croissance économique, après son ralentissement actuel, et une meilleure répartition des fruits de celle-ci afin qu’elle s’accompagne d’une réduction de la pauvreté et d’un changement des modes de vie. Or les faiblesses persistantes de gouvernance dans beaucoup de pays et l’absence d’une stratégie internationale performante pour le soutien au développement retardent en permanence les réformes nécessaires à ce dynamisme économique. Le second est un accroissement de la liberté laissée aux femmes dans le choix de leur destin personnel. Cette mutation ne peut exister que si sont réunis un environnement qui leur est plus favorable -planning familial, éducation des filles, réduction des mariages précoces, meilleure égalité professionnelle et économique des femmes et des hommes, …- et de nouvelles améliorations techniques -réduction de la mortalité lors des accouchements, densification des maternités, augmentation du personnel médical-. Malgré les avancées constatées sur certains plans, ces exigences ne progressent que lentement. Une croissance rapide de la population est en effet encore souvent considérée par les Autorités politiques comme un actif à protéger et l’égalité des genres n’est pas la priorité naturelle des pays les plus pauvres.

Le pari fait sur l’Afrique subsaharienne est donc audacieux, mais déterminant pour le monde entier. Le bouleversement qu’il recouvre sur le continent suppose que cet objectif bénéficie d’un sentiment d’urgence de la part de tous les acteurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers, et que les moyens d’action les plus efficaces soient rapidement trouvés et mis en œuvre. Faute d’un tel effort, le scénario « bas » ressemblerait surtout à une incantation et l’évolution à long terme de la population mondiale pourrait dévier vers le scénario « haut ». Elle risquerait alors de provoquer des difficultés supplémentaires dans la maîtrise des menaces environnementales, la gestion de certains bien communs et le niveau des migrations. Dans tous les cas et plus que jamais, l’Afrique reste bien l’arbitre du destin démographique de la planète.

Paul Derreumaux

Article paru le 25/08/2021

Catégories
Analyse économique et sociale

Perspectives 2020 en Afrique de l’Ouest

Perspectives 2020 en Afrique de l’Ouest:

Le politique devrait primer sur l’économie, mais préparera-t-il bien l’avenir ?

 

 

En ce début d’année, on aimerait avant tout souhaiter à l’Afrique de l’Ouest la poursuite d’une croissance économique soutenue et l’accélération de réformes structurelles propices à l’amélioration de la productivité, aux créations d’emplois et à la maîtrise des inégalités sociales. Les bonnes performances économiques des dernières années, surtout dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), semblaient être un bon point de départ pour rendre ces objectifs accessibles et faire de la zone un des territoires d’espérance en Afrique subsaharienne.

Pourtant, ces aspects risquent de passer au second plan en 2020 face à deux contraintes majeures de nature politique.

La première est le nombre élevé d’élections qui concerneront la région en 2020, et la difficulté attendue de leur déroulement pour certaines d’entre elles. De février à décembre prochain, six pays connaitront un scrutin présidentiel, parfois doublé d’un vote législatif. Dans cet ensemble, deux groupes de situations apparaissent d’ores et déjà. Dans quatre cas, le vote qui s’annonce n’a pas soulevé jusqu’ici de passions extrêmes, mais l’approche des élections devrait inévitablement renforcer rapidement les tensions. Au Togo, qui ouvrira la route en février, le Président Faure sera candidat à sa succession, en mettant en avant son bilan économique : il devrait affronter six autres candidats agréés par la Cour Constitutionnelle mais aussi de possibles contestations juridiques sur sa candidature. Au Burkina Faso, l’actuel Chef de l’Etat, briguera normalement un nouveau mandat en novembre prochain, et ses challengers devraient être pour la plupart les mêmes qu’en 2015. Les importantes difficultés sécuritaires subies par le pays depuis 2018 pourraient cependant rendre sa campagne plus difficile si le contexte ne n’est pas amélioré d’ici là. Au Niger, qui terminera la liste en décembre 2020, le Président Issoufou a affirmé sa volonté de ne pas se représenter et les candidatures comme les alliances ne sont pas encore définitivement arrêtées, laissant pour l’instant le jeu ouvert. Enfin, en dehors de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, le Ghana votera en novembre et, quels que soient les candidats qui s’affronteront et la fièvre des débats, tous les observateurs escomptent que ce pays offrira le même visage de maturité démocratique que celui qu’il a montré depuis plusieurs élections. Dans les deux autres pays au contraire, où le scrutin présidentiel est programmé pour octobre 2020, l’inquiétude est palpable. En Guinée, malgré son bilan économique contesté et de mauvais résultats aux législatives de février 2019, le Président Condé a indiqué de longue date son souhait de postuler un troisième mandat, même si cela requérait une modification de la Constitution qui n’a pas encore été effectuée. Les principaux concurrents sont opposés à cette nouvelle candidature et l’affaire a déjà provoqué en 2019 d’importantes manifestations ayant entraîné plusieurs dizaines de morts selon les observateurs, sans que la question soit encore réglée. En Côte d’Ivoire enfin, les préoccupations des populations se font de plus en plus vives face à la fracture croissante entre les grands partis politiques, à l’incertitude maintenue jusqu’ici quant à l’identité des candidats qui les représenteront et à la tension manifeste que traduisent certaines mesures. L’espoir d’une élection apaisée, qui aurait permis d’effacer les souvenirs dramatiques du début de la décennie et de débattre des futurs économiques possibles du pays, s’est donc pour l’instant amenuisé.

Hors ces élections présidentielles, quelques pays auront aussi à gérer des scrutins législatifs, tels le Burkina Faso, le Ghana et le Mali. Dans ce dernier cas, la désignation des nouveaux députés, repoussée depuis près de deux ans et intervenant dans un contexte de fortes tensions sociales et de sécurité, constituera un enjeu décisif pour aider à résoudre la crise que traverse le Mali.

Qu’on les anticipe sereines ou délicates, ces joutes électorales devraient de toute façon peser négativement sur l’économie des nations concernées. Les investisseurs, étrangers mais aussi parfois nationaux, auront tendance à repousser la réalisation de leurs projets dans la période post-élections. L’activité économique quotidienne pourra être soutenue par des dépenses publiques accrues des Etats, affectées à des programmes d’urgence, mais surtout ralentie en raison de la prudence des acteurs privés. Les orthodoxies d’équilibre budgétaire ou d’endettement extérieur risquent d’être reléguées provisoirement au second plan. Les grands chantiers de réformes structurelles seront également plus difficilement engagés avant la désignation des futures équipes. En cas de troubles sociaux durant ces périodes électorales, ces risques pourraient être aggravés pour une durée inconnue.  Dans l’UEMOA notamment, le taux de croissance remarquable proche de 7% atteint en moyenne ces dernières années pourrait donc faiblir, en raison notamment du poids de la Cote d’Ivoire dans le total régional. Seul le Sénégal, où les élections se sont déroulées en 2019, a de bonnes chances de réussir de meilleures performances, grâce aux investissements d’infrastructures et de préparation de l’exploitation pétrolière, et de conforter ainsi sa place de deuxième puissance régionale.

La seconde contrainte est de nature sécuritaire. Sur ce plan, la forte dégradation de la situation en 2019 dans plusieurs pays du Sahel est bien connue. Au Burkina Faso et au Mali, les victimes, civiles comme militaires, des terroristes islamistes ont fortement augmenté, les populations déplacées se comptent en centaines de milliers et l’Etat a perdu le contrôle d’une bonne partie du territoire national. Au Niger, qui avait jusqu’ici mieux résisté, les derniers mois de 2019 ont été très meurtriers. Dans la partie Nord des pays côtiers, de la Cote d’Ivoire au Bénin, la menace terroriste se fait plus directement menaçante. Les troupes de Boko Haram continuent à sévir au Nigéria, mais aussi au Tchad et au Niger. Malgré les efforts de mutualisation menés au niveau régional, avec la Force du G5 Sahel, et les appuis militaires apportés par le France et quelques autres partenaires, le sentiment de recul et d’échec tend à croître face aux assauts terroristes, et les craintes d’une contagion internationale s’amplifient. Dans le même temps, l’environnement de guerre larvée génère, au moins dans le Sahel, deux graves conséquences. Les Etats, qui disposent de moyens déjà limités au regard de toutes les urgences qui leur incombent, doivent réaliser pour la sécurité nationale des efforts budgétaires de plus en plus lourds .Ces coûts pénalisent les autres dépenses de fonctionnement ou d’investissement, perturbent les équilibres macroéconomiques et peuvent parfois générer de nouveaux circuits de corruption. De plus, la conquête de certains territoires par les troupes terroristes, souvent alliées objectives d’un grand banditisme, empêche les actions de développement des zones concernées, désorganise les équilibres sociaux et favorise le détournement d’une partie de leur population vers les rangs extrémistes.

Les évènements les plus récents ont conduit à une prise de conscience plus aigüe des dangers encourus et de la nécessité d’une nouvelle stratégie de riposte. Ses grandes lignes sont maintenant connues : meilleure intégration des armées nationales et étrangères dans la bataille antiterroriste ; concentration des actions dans les zones les plus menacées ; amélioration des capacités humaines et matérielles des armées des pays du Sahel ; renforcement et diversification des appuis extérieurs ; plus grande rapidité de réaction face aux attaques ennemies ; concomitance de la reprise des programmes d’investissements productifs et sociaux dans les sites reconquis. Il s’agirait, par rapport à la période passée, d’un changement de nature et d’échelle des moyens mis en œuvre et des stratégies suivies, seul capable d’enrayer le pourrissement de la situation. Ceci entrainerait ipso facto des coûts nettement supérieurs et de possibles sacrifices supplémentaires dans les arbitrages de dépenses publiques au sein de la région.

Le bon déroulement de ces nombreuses élections et le redoublement des offensives contre les terroristes sont des priorités logiques, compte tenu des enjeux qu’ils recouvrent. Mais les résultats qui seront obtenus sur ces deux plans doivent être suffisamment probants pour qu’ils assurent ensuite le retour à un rythme optimal de développement économique et social. Ainsi, les scrutins, notamment présidentiels, seront surtout profitables aux populations et aux entreprises de chaque pays s’ils portent davantage sur des comparaisons de programmes entre candidats, permettant de juger de la crédibilité de chacun d’eux et de mieux imaginer l’avenir économique comme social à travers une vision stratégique précise et cohérente. De plus, l’exigence de bonne gouvernance, désormais considérée comme condition sine qua non d’un développement durable, supposera de la part des nouveaux dirigeants, une meilleure transparence de la chose publique et une disponibilité totale au service des besoins du pays pendant la durée des mandats. Au plan sécuritaire, beaucoup d’annonces ont été faites depuis plusieurs années, à l’intérieur comme à l’extérieur de la région, sur la dangerosité de la situation et sur le renforcement des moyens mobilisés contre les actions terroristes. Les promesses exprimées sont loin d’avoir été toutes tenues et les méthodes utilisées n’ont pas eu l’efficacité attendue. Il est donc essentiel que, cette fois, les nouveaux engagements pris soient rapidement mis en œuvre et suivis d’effets visibles à bref délai.

Les priorités politiques incontestées de l’heure auront donc à mettre en évidence une véritable rupture par rapport à la manière dont les mêmes questions ont été gérées précédemment. Faute de cela, les pays concernés, et sans doute la région toute entière, perdront de précieuses années. Il leur sera alors encore plus difficile de reprendre de manière plus affirmée leur marche vers le développement, et a fortiori de répondre aux défis de démographie, d’urbanisation ou de changement climatique qui se profilent à un horizon de plus en plus proche.

 

Paul Derreumaux

Article publié le 28/01/2020